Minutes d’amour avec Marie

– Courrier spirituel –

Humilité

J’ai lu et médité les numéros de votre revue, tout spécialement celui d’octobre qui semble jeter les bases d’une vie mieux comprise et mieux vécue si l’on commence, en soi, par le «redressement intérieur». La lecture et la méditation de vos textes sont profitables, il est vrai, mais c’est la pratique qui est difficile. J’en ai fait une expérience personnelle depuis quelque temps.

Jeune encore, j’ai pourtant connu une vie marquée par la maladie que je m’efforce d’accepter le mieux possible. Mais, je constate que le redressement intérieur exige beaucoup plus. Je viens d’arriver dans une maison où les occasions d’humiliations ne manquent pas, ce qui est très pénible pour ma nature si orgueilleuse. Mais, la semaine dernière, j’ai fini par comprendre que c’est Dieu qui permet tout afin de me «vider de moi-même». Je suis allée à la chapelle et je L’ai remercié de m’avoir fait comprendre cela. Je Lui ai dit en plus que j’acceptais qu’Il me dépouille davantage afin de faire disparaître de plus en plus ces traces d’orgueil, car une âme toute donnée à Marie ne peut faire du bien qu’en autant qu’elle est vidée d’elle-même, comme le dit le numéro d’octobre de votre revue. Dieu sait combien je désire l’extension du règne marial.

Ma demande a été prise en considération, je vous l’assure. J’ai souffert de bien des façons: les humiliations m’étaient servies successivement. J’ai réalisé que c’est cet orgueil profond qu’il y a en moi que Dieu veut détruire à jamais. Je le Lui avais demandé, d’ailleurs. Pendant ce temps d’épreuves, je recherchais mon crucifix que je baisais ardemment et je redisais au Seigneur que j’acceptais d’être rivée à la croix avec Lui, que j’acceptais toutes ces humiliations par lesquelles je venais de passer ainsi que toutes celles qui viendraient, car je sais qu’elles viendront et, malgré que c’était si pénible à la nature humaine, j’étais heureuse de suivre la même voie que mon divin Époux. Quel amour, alors, je ressentais pour Lui! Je viens vraiment de découvrir la grandeur et la beauté de la croix; ma joie est profonde, si profonde! Jamais je n’aurais cru que l’on puisse expérimenter un si grand bonheur sur terre et cela, avec la croix.

Soeur M.E.

Alors que vous souffrez, vous chantez votre joie profonde. Paradoxe étrange et sublime à la fois! Étrange pour ceux qui n’ont pas la foi, pour ceux qui n’acceptent pas d’être dépouillés de leur misère intérieure, qui se refusent à l’action divine, purificatrice, salvatrice. Sublime pour ceux qui goûtent les heureux fruits d’une possession plus grande de Dieu, car accepter de diminuer c’est, à la fois, accepter de voir grandir la Trinité en soi. Ce bonheur de la possession divine ne peut se comparer à aucune joie humaine tellement c’est un dépassement de tout ce que l’on peut espérer ici-bas.

Accepter la croix, ce n’est pas la rechercher. Dans votre cas, ce travail de purification au niveau de l’humilité me semble déjà passablement avancé. Votre seule façon de comprendre la spiritualité l’indique clairement et cet abandon devant les humiliations démontre un désir d’ascèse qui vous honore.

Ces humiliations qui vous ont été servies après votre demande n’indiquent pas, par-là, que votre terrain spirituel n’ait pas été travaillé. Au contraire, c’est justement parce que, déjà, la «terre» était bien ameublie, bien travaillée de façon active de votre part, qu’elle était prête à passer par le creuset profond où seront extirpées les racines, et cela d’autant mieux que vous ne mettez aucun obstacle, aucune limite à l’action divine. Quand le Seigneur peut opérer en toute liberté dans une âme, Il y va à fond mais Il sait compenser. Déjà, en ce qui vous concerne, la joie profonde vous rive à Lui, à Son Amour. Plus vous serez purifiée, plus vous L’aimerez et plus vous serez heureuse. Ainsi, de plus en plus, vous apprendrez à sourire quand le coeur gémira; de plus en plus, vous saurez aimer vraiment quand le mépris sera votre partage; de plus en plus, vous vous sentirez libre, légère, dégagée même du contexte de souffrance et, un jour, vous pourrez dire à votre tour: «Mon joug est facile et mon fardeau léger

Ne vous lassez pas; sachez pardonner les gestes qui vous font mal, oublier les instruments de votre douleur; ne regardez que la Main de Dieu qui vous attire toujours plus à Lui en vous détachant de tout. Sachez surtout que votre bonheur intérieur surpassera toujours le niveau des souffrances exigées car Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité.

Pendant cette phase de purification passive, sachez que le Seigneur devient votre Professeur. Des lumières vous seront données, des grâces spéciales vous seront accordées. Vous ne sauriez croire tout ce que le Seigneur peut faire dans une âme qui s’abandonne ainsi. «Celui qui n’a pas souffert, que sait-il?» «La souffrance ouvre à l’âme des horizons que la raison ne discerne pas.» En effet, les horizons se déchirent et l’âme «entrevoit» les beautés de l’Infini, goûte la douceur d’un amour toujours plus comblant. Cette âme baigne dans une joie ineffable qui jette le baume bienfaisant sur le coeur endolori. Demeurez confiante; que le Seigneur soit votre confident et votre «unique Amour».

Marie-Paule

(Revue de l’Armée de Marie, volume I, numéro 8)