Minutes d’amour avec Marie
– Courrier spirituel –
La direction spirituelle
Comment agir avec son directeur spirituel? J’ai une grande confiance en mon directeur, mais je sens que je dois lutter sans cesse contre moi-même pour ne pas m’attacher à lui humainement, pour me centrer sur Dieu seul. Je prie pour lui, comme pour tous les prêtres qui ont le rôle si sublime de donner le Christ aux âmes. Il me semble que le Seigneur me demande une «pauvreté» très grande au niveau des appuis, affectifs ou autres – que je dois vivre en gardant en mon coeur les choses qui me peinent, etc. Comme j’aimerais vivre en silence!
Ce qui m’amène à une autre question: à quel niveau vivre le silence pour garder son coeur occupé à aimer Dieu? Après ma messe quotidienne, le matin, souvent je préférerais ne pas me mêler à la conversation, sinon j’ai l’impression d’être «en dehors de moi-même», d’avoir oublié le Seigneur. Où est l’équilibre? J’aimerais vivre en silence: Dieu seul!
Marie-Julie
Toute âme qui veut s’élever vers Dieu a besoin de direction spirituelle, comme celui qui veut obtenir des diplômes a besoin de professeurs. Plus ceux-ci seront compétents et consciencieux, plus l’élève sérieux aura des chances de réussir et de s’épanouir.
DIRECTEUR/CONFESSEUR
Notons aussitôt qu’il existe une nette différence entre le confesseur et le directeur.Le CONFESSEUR, par le sacrement de Pénitence ou du Pardon, aide l’âme à se conserver en état de grâce; donc, son ministère est nécessaire en tout temps.
Le DIRECTEUR assure le progrès spirituel de l’âme par des conseils ou une orientation appropriée, ce qui n’exige pas une action constante mais nécessaire au début et dans certaines phases difficiles à traverser, par exemple: les périodes d’obscurité, de ténèbres ou de «nuits de l’âme».
UN COEUR SENSIBLE
J’admire votre rectitude de pensée qui vous fait craindre les liens humains envers votre directeur, espérant vous «centrer sur Dieu seul». Il faut donc suivre les règles de la prudence chrétienne, qui incluent la prière pour la sanctification des Pasteurs. Votre prière pour lui est la meilleure forme de reconnaissance; elle vous assure aussi une protection; elle est un moyen préventif pour un coeur encore trop sensible, pas suffisamment détaché de soi et des autres. En toutes choses, il y a progression, et vous ne sauriez y échapper, vous rappelant que, dans la spiritualité, il est fait constamment mention de détachement, ce qui consiste à se renoncer, en un mot: «mourir à soi». Voilà le chemin du RIEN, c’est la mort du vieil homme: condition indispensable pour «être centrée en Dieu».
UN DIRECTEUR
La direction spirituelle est une fonction du sacerdoce, mais tous n’ont pas les mêmes aptitudes à ce ministère spécial, voilà pourquoi sainte Thérèse d’Avila affirme qu’il est bon d’avoir un directeur savant. De plus, elle ajoute que «trouver un directeur qui soit un saint est une grâce précieuse». L’Imitation de Jésus-Christ précise: «L’homme pacifique vaut mieux que l’érudit et le savant.» (Livre 2, chapitre 3)
L’âme qui a besoin d’un directeur ne doit pas s’inspirer d’une sympathie naturelle pour fixer son choix, elle ferait fausse route. Le Seigneur saura lui indiquer un directeur si elle est profondément humble et désireuse de le trouver. Il lui donnera un directeur capable de s’oublier lui-même: un directeur qui, loin d’être un obstacle à la montée de son âme, lui aidera dans l’oeuvre de sa sanctification pour s’attacher à Dieu seul. Voilà une protection assurée qui préserve un coeur non encore «barricadé» contre toutes les affections.
«PAUVRETÉ»
La pauvreté au niveau des appuis, dont vous parlez, n’exclut pas de communiquer à votre directeur les peines qui vous affligent. Au contraire, cette ouverture favorise la pratique de la vertu d’humilité, du détachement de tout pour en arriver à travailler uniquement pour plaire à Dieu avec toute la générosité possible.
Il convient donc d’embrasser la croix, quelle qu’elle soit. Accepter la croix, c’est déjà en alléger le fardeau, c’est goûter la joie d’offrir et de s’offrir en se vidant de soi, même si cela conduit à l’agonie du coeur.
C’est ainsi que l’âme, laissant les chemins spacieux de la terre et la joie des honneurs, prépare le terrain et favorise la croissance de son âme qui monte vers le sommet. Seul le sentier du RIEN, qui est dénuement total, parfait détachement et pauvreté absolue, conduit au Tout qui est Dieu et en assure la possession.
LE SILENCE
Vous désirez «vivre en silence». Votre directeur pourra évaluer votre désir, voir s’il est le produit d’une crainte ou le fruit de la présence envahissante de Dieu. Vous avez commencé à faire le vide en vous, aussi déjà, à certains moments, vous savourez la joie d’une «Présence» qui comble votre coeur aimant. Cela peut sembler incompréhensible à ceux qui ne recherchent que les biens matériels et se refusent à l’action divine en eux.
Votre directeur vous aidera à purifier vos puissances et à les dégager de toute attache. Et Dieu vous remplira de ce qui est invisible et céleste. De même qu’on revêt le pauvre quand il est dans le dénuement, de même Dieu revêt de Sa pureté, de Son amour l’âme qui est dépouillée de ses désirs personnels et qui n’a plus qu’un seul but: faire la Volonté de Dieu.
L’ÉQUILIBRE
Le savant a besoin de silence pour préparer ses expériences, l’écrivain réfléchit dans la solitude pour ordonner ses pensées. Le Christ nous a donné l’exemple de la recherche du silence pour prier. Plus une âme se tourne vers Dieu, plus elle éprouve la nécessité de la pratique du silence.
A la suite de votre ouverture au sujet de vos activités de devoir d’état et au sujet de vos aspirations, votre directeur vous amènera à ce que l’occupation fondamentale de votre âme devienne une parfaite louange de gloire de Dieu, dans le don total de vous-même, dans une charité continuelle, inlassable, dans l’exercice des vertus, sans aucune recherche personnelle.
Voilà un idéal d’équilibre pour les âmes qui ne peuvent vivre dans le silence, mais qui, partout où elles passent, peuvent vivre en Dieu et pour Dieu, et rayonner Sa Présence. Mais votre directeur analysera avec vous la possibilité d’une vocation à un silence religieux.
Marie-Paule
(Le Royaume n° 8, février 1983)