Minutes d’amour avec Marie
– Courrier spirituel –
Nuit profonde de l’âme
Quelle expérience douloureuse je viens de vivre! Après avoir connu quelques années d’intimité avec le Seigneur, avoir goûté à des joies tellement profondes et célestes, avoir été traitée si libéralement par le Seigneur, sans aucun mérite de ma part, voici que depuis quelque temps je suis en pleine nuit… et cela, à cause de quelques légères infidélités à la grâce. Par la suite, j’ai connu l’éloignement, l’absence de Dieu, puis un changement semblable à une tornade a passé sur mon âme. Tout le travail spirituel opéré depuis des années semble avoir été dévasté. J’ai connu d’autres nuits de l’âme mais jamais aussi pénibles. Quel drame! Du jour au lendemain se sentir rejetée, coupée de Dieu et comme engloutie dans l’abîme de l’enfer. Si Dieu semble disparu, le démon est présent et il exerce tous ses pouvoirs pour paralyser et obscurcir les facultés de l’âme. Pour l’intelligence, aucun raisonnement possible. Les «pourquoi» et les «comment» de l’âme désemparée demeurent sans réponse. C’est le démon qui semble vouloir à tout prix arracher l’âme à Dieu.
Son emprise diabolique est tellement forte que tout semble perdu; rien à faire. Il semble que c’est l’enfer qui sera mon partage pour l’éternité. Tout le passé semble inutile et faux; ma vie spirituelle s’est écroulée comme un château de cartes. Je connais le désespoir jusqu’à la tentation du suicide. Mais la souffrance la plus aiguë et la plus terrible c’est de me sentir rejetée de Dieu. Ah, si du moins, à ce moment, ma foi était assez vivante pour croire à Son Amour!
Mais c’est la nuit profonde. Comment prier à ces heures d’agonie? Se multiplient plutôt les invitations à me tourner vers les biens matériels, la vanité, le monde, comme moyens de compensation, puisque toute ma vie passée faite de souffrances consenties me semble fausse. C’est un écartèlement de vouloir faire le bien et de lutter sans cesse contre le mal. Ma volonté est paralysée; je ne comprends plus rien.
De plus, c’est l’aigreur, même la haine qui surgissent à tout instant envers les personnes qui me sont bien chères. Ce déchirement du coeur et cet emprisonnement de la volonté sont affreux. Pourquoi le Seigneur permet-Il cela? Où est Sa Volonté?
Je connais une réelle impuissance, des déceptions, des échecs, un anéantissement. Tout m’écrase. Je ressens ma faiblesse, ma misère et pourtant j’ose dire à Jésus de me dépouiller du «moi», de tout ce qui peut Lui déplaire en mon âme afin qu’Il puisse réaliser Son plan d’amour, de purification, de sanctification et de rédemption en mon âme pour la gloire du Père et le salut du monde.
Soeur X
Il convient de préciser immédiatement que: 1- «Rares» sont les âmes qui connaissent les profondeurs de telles nuits parce que «rares» sont les âmes qui acceptent jusqu’au bout le travail de la purification. 2- Cette réponse vous est destinée à vous qui pourrez en saisir les nuances et l’amplitude des exigences, de même qu’aux personnes qui ont l’expérience de ces nuits, alors que pour tant d’autres ce sujet dépassera leur intellect ou entendement.
Puisqu’il y a eu chez vous de légères infidélités à la grâce, il importe de poser les actes d’humilité nécessaires, seuls capables de vous redonner la paix en dépit de la purification à laquelle vous êtes soumise. Dans sa montée vers Dieu, l’âme connaît différentes phases de lumière et de ténèbres. Plus une âme consent à se laisser purifier, plus les phases sont douces et consolantes dans la lumière, et plus elles deviennent arides, rudes et bouleversantes dans les ténèbres. Vous avez connu différentes «nuits» douloureuses, il va sans dire, mais, par contre, vous avez expérimenté des joies profondes, célestes, dans une belle intimité avec le Seigneur. Ces grâces, ces joyaux divins offerts gratuitement vous ont comblée, vous préparant pour ainsi dire à la phase cruciale qui allait suivre car, dans Ses opérations, Dieu travaille toujours plus profondément et les ténèbres se font de plus en plus épaisses jusqu’au moment où l’âme a l’impression d’être plongée en enfer, dans une sorte de purification que seule l’âme qui l’expérimente peut comprendre. C’est pourquoi, en cette cinquième partie de la «nuit de l’esprit» que vous traversez, des sentiments de haine, de révolte, de mépris, d’aigreur émaillent vos pensées, le tout doublé d’invitations malsaines à tout lâcher. Ainsi plongée dans le gouffre, l’âme se sent coupée, rejetée de Dieu et c’est là la plus vive souffrance, surtout après l’expérience de si grandes douceurs. Pour purifier, embellir une âme, Dieu la blesse douloureusement, tout comme l’artiste sculpte le bois pour en faire une oeuvre d’art.
Pendant ce temps l’âme doit accepter cette condition pénible. Qui peut voir quelque chose dans la nuit? Qui peut comprendre quand tout s’écroule? Tout comme la charrue qui déchire les entrailles de la terre, en arrache et soulève les mauvaises herbes avec leurs racines, ainsi en est-il dans la profondeur de votre âme; alors, les tendances sont arrachées et détruites, ce qui place l’âme dans une attitude d’humilité et la soustrait à l’emprise orgueilleuse du «moi», et donc la purifie pour la rendre plus agréable à Dieu.
Vos facultés sont blessées; c’est précisément à cause de ces blessures qu’une infusion abondante d’amour vous donnera une force nouvelle et décuplera votre zèle pour le salut des âmes, ce qui correspond précisément à votre demande à Dieu de «réaliser Son plan d’amour» sur vous malgré votre douleur intense, le désarroi et l’angoisse qui vous étreignent.
Plus une âme consent à la purification, plus Dieu la possède et la divinise, si bien que lorsque le travail est accompli, il n’y a plus rien d’impur en elle. «Rien d’impur n’entrera dans le Royaume des Cieux.» Comme ces paroles font réfléchir et engagent notre liberté d’accepter ou de refuser ce travail divin de purification. Ce n’est pas tout de vivre en harmonie avec les lois divines, il faut consentir à se laisser dépouiller pour qu’habite vraiment le Christ en nous. Aussi, que de personnes de bonne vie et de renom enviable, mais réfractaires à l’oeuvre de purification divine, se verront dépassées, au niveau de la sainteté, par des âmes qui auront chuté, mais qui, en toute humilité et abandon, auront accepté de se libérer de leur «moi», tels par exemple saint Augustin, sainte Marie-Madeleine.
Bien sûr, l’idéal demeure toujours dans une vie conforme à la Volonté et aux lois de Dieu, dans le Fiat amoureux à toutes les invitations du Maître, dans l’imitation de la vie du Sauveur et de Marie, notre Mère. C’est pourquoi saint Gérard Majella disait: «Au ciel, nous aurons trois surprises: la première sera d’y voir des âmes qu’on ne s’attendait pas d’y voir; la seconde sera de ne pas y voir des personnes que l’on croyait y voir et la troisième sera de s’y retrouver soi-même» Le Ciel n’est pas facile à gagner. Le Christ-Sauveur nous en a ouvert les portes mais Il attend notre participation dans la Co-Rédemption après nous avoir donné l’exemple de la route à suivre. Aussi, vaut-il mieux consentir ici-bas à la gamme progressive des purifications jusqu’au plus profond de l’âme, dans toutes ses facultés, car: «Rien d’impur n’entrera dans le Royaume des Cieux.»
Marie-Paule
(Revue de l’Armée de Marie, volume II, numéro 1)