Minutes d’amour avec Marie
– Courrier spirituel –
L’angoisse des jeunes -1
Je viens demander votre aide précieuse. Je voudrais poser quelques questions auxquelles maman ne peut répondre. 1- Et puis, venant d’elle, je n’accepte pas toujours ce qu’elle dit car elle n’a pas toujours les mots exacts et je dois toujours deviner. Tandis que dans votre courrier, je remarque que les réponses sont toujours justes.
2- Depuis que je suis entrée au secondaire, tout a subitement changé. Encore l’année dernière, j’allais à la Présentation de Marie, et il y avait quelques religieuses, ce qui donnait un peu plus de discipline. Mais, cette année, c’est vraiment grave (je ne sais si vous savez ce que j’entends par grave…), mais c’est effrayant de vivre dans cette école non disciplinée, non respectueuse, etc. 3- Je parle de mon contexte: moi qui crois, et qui essaie tant bien que mal d’être fidèle à Dieu. C’est si difficile! Que dois-je faire pour continuer? Je n’ai plus le courage de rien, c’est-à-dire de prier, d’aller à la messe, de me confesser, etc. Pendant un bon moment, j’ai senti la Présence de Dieu près de moi, puis, ce fut l’absence si longue, mais je crois qu’Il revient peu à peu. 4- Non que je doutais alors, mais je voulais faire mon Dieu à moi, 5- ma religion personnelle. Ce que je veux le plus au monde, c’est d’être indépendante. 6- Je veux vivre ma vie à moi, être libre de mes opinions.
7- Ce que maman me dit parfois me semble ridicule. Je la trouve ridicule avec toutes ces choses, mais, en même temps, je l’admire. Je voudrais être comme elle, mais j’ai peur, car je sais qu’elle a souffert… 8- et j’ai énormément peur de souffrir. Je n’accepte pas de souffrir, moi! 9-Et la question qui me revient toujours en tête est celle-ci: «Pourquoi souffrir, pourquoi faut-il souffrir pour atteindre ce Dieu? Et pourquoi vouloir atteindre ce Dieu?» Les autres jeunes de mon âge n’ont pas l’air si malheureux, et ils ont tout laissé!
10- Pourquoi ai-je la foi, moi, et que les autres l’ont plus ou moins? Ils ne s’engagent à rien et n’ont pas de remords, car ils ne savent pas ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. 11- Moi, je le sais, car j’ai cette mère qui en sait des choses et qui n’arrête pas de m’en parler. Je ne peux plus supporter cela, ce qui me porte à me révolter. Il y a tant de questions qui mijotent dans ma tête. J’ai trouvé plusieurs réponses, mais elles sont incomplètes… elles ne sont pas solides.
12- Ainsi, au sujet de ma question: pourquoi souffrir? Eh bien! J’ai trouvé la réponse: souffrir pour Dieu, c’est aimer, c’est de cette façon que l’on prépare son ciel. 13- Mais encore, il y a cette question: mais si Dieu est le Tout-Puissant, pourquoi n’enlève-t-il pas le mal de la terre et pourquoi ne nous donne-t-il pas tout au lieu de nous faire souffrir? Encore là, une réponse m’est venue: Dieu laisse le mal pour qu’on ait la possibilité de L’aimer. S’il nous avait tout donné, il recevrait notre indifférence. Nous serions des robots. Nous avons l’intelligence et nous pouvons décider d’aimer ou de ne pas aimer Dieu. La vie est injuste et Dieu en est la cause! Pourquoi nous choisir, nous, pour souffrir?
14- Je connais une fille qui a tout ce qu’elle veut. Elle est riche, belle; elle a l’amour d’une famille très unie. Cette famille est de la religion des Mormons; elle est certaine de sa religion et elle est très sincère avec elle-même. Elle aime son travail et la vie. Elle est une artiste et ses disques lui rapportent des milliers de dollars. Qu’on ne me dise pas qu’elle a souffert, je ne le croirai pas une seconde. Ce n’est pas sa faute si elle est née dans cette famille de Mormons. J’ai étudié un peu cette religion et c’est assez sensé. Elle croit qu’elle est dans le bon chemin. Je changerais bien ma place avec elle. C’est pour cela que je dis que la vie est injuste. Comment explique-t-on la maladie… la tuberculose, etc.? 15- Pourquoi y a-t-il des volcans qui détruisent des villes en quelques minutes? Pompéi était-elle une ville damnée? Il y a tellement de tremblements de terre partout, est-ce parce qu’il se fait tant de mal? 16- Si je me faisais violer, cela peut arriver à toute bonne fille, pourrais-je me faire avorter plutôt que de mettre au monde un enfant qui serait malheureux? Pourquoi Dieu n’arrête-t-il pas tous ces désastres?
17- Pourquoi faut-il aller à la messe? Je réponds: pour prouver sa foi, mais il y a d’autres moyens de prouver sa foi sans aller à l’église. Les plus pratiquants ne sont pas les plus saints! 18- Et comment savoir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas avec les prêtres que nous avons maintenant? On ne peut blâmer ceux qui font le péché… Faire un péché involontairement?…! Ça ne m’entre pas dans la tête. 19- Pourquoi doit-on se marier avant d’avoir des relations? Pourquoi serait-ce mal d’avoir des relations avant le mariage? C’est bien, se donner à l’autre, c’est ça aimer, non?… Donner du plaisir à l’autre et que l’autre nous en donne… Est-ce vraiment de l’égoïsme? Ceux qui se marient divorcent si souvent peu après, parce qu’ils ne se connaissent pas suffisamment avant de se marier. Alors, si on permettait «l’union libre» avant le mariage, on se connaîtrait tel qu’on est, et il n’y aurait pas autant de mariages brisés! Répondez à ces questions. Je suis mêlée depuis qu’on nous donne des cours de sexologie. On nous laisse libres de penser, libres de nos opinions, mais mon opinion est chancelante. Si vous me disiez ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, si vous me donniez de bons motifs de suivre Vatican II, eh bien! je crois que je tiendrais le coup. 20- Je suis une fille sincère, je ne veux pas me cacher derrière une fausse dévotion, derrière des opinions qui ne tiennent à rien. Je ne veux pas croire que je suis privilégiée à cause des choses que je comprends ou que je dis, mais, qu’en fait, je n’exécute pas, parce que je n’ai pas le courage ou que j’ai peur de souffrir. 21- Exemple: je pense aux «BÉATITUDES»: «Heureux les coeurs purs car ils verront Dieu.» Les coeurs purs sont détachés de tout… eh bien! moi, je ne mets pas cet enseignement en pratique, ou du moins, pas beaucoup. 22- Il est aussi écrit dans l’Évangile: «Celui qui prétend M’aimer et qui n’aime pas son frère, est un menteur.» Or, je n’aime pas du tout mon père, je le voudrais MORT. Donc, je n’aime pas Dieu puisque je n’aime pas mon père. Dois-je passer pour une menteuse en disant que je l’aime? À quoi me servirait de mentir puisque Dieu sait tout. Je désire bien aimer Dieu, mais je dis encore: j’ai peur. Qui m’enlèvera cette peur, que puis-je faire? Je désire tant continuer dans le bon chemin. 23- Il est une autre chose que je demande au bon Dieu, c’est le sentiment de Sa Présence. Plus je prie Dieu, moins je L’entends et plus je dépéris. Pourquoi?
Je vous quitte sur ce point en espérant que vous voudrez bien me répondre.
Voici quelques phrases d’une prière qui m’encourage beaucoup:
24- «Il se fait tard et la mort approche. Je crains les
ténèbres, les tentations, les croix, les peines.
«Combien j’ai besoin de vous, ô mon Jésus, dans
cette nuit de l’exil.»
X…, 14 ans
Je t’ai lue attentivement, essayant de comprendre le bouleversement qui survient dans ta vie, pour t’aider à trouver des réponses aux nombreuses questions qui hantent ton esprit.
Tu remarques que j’ai numéroté chaque point essentiel, ce sera plus facile de retrouver les réponses adéquates.
1 – Crise psychologique
En ce moment, tu traverses une phase difficile, une crise qui atteint un jour ou l’autre les jeunes de ton âge. Voici que ta personnalité veut s’affirmer. Ton affection filiale, envers ta mère, connaît des soubresauts car une certaine indépendance s’installe chez toi, ce qui est normal. Toutefois, cette indépendance ne doit pas te porter à juger trop vite… c’est le propre de la jeunesse d’agir ainsi. Il y a tellement de détails qui t’échappent encore.
«Avec ta mère, tu n’acceptes pas toujours», dis-tu. Une autre personne te conseillerait de la même façon et tu apprécierais ses conseils. Voilà. Crise psychologique qui oppose tantôt la fille à sa mère, tantôt le fils à son père.
Cette crise, il te faut la traverser sans blesser celle qui a été si bonne pour toi. Sois prudente dans tes paroles et dans tes actions envers elle. Essaie de comprendre ce qu’elle ne peut pas dire, peut-être à cause d’une grande fatigue, à cause de l’épreuve qu’elle doit vivre silencieusement, ou encore, faute de temps ou de connaissances pour s’exprimer. Ne la juge pas. Sois bonne pour elle et attends. Le temps passe. Tu seras heureuse, un jour, d’avoir réprimé des paroles que tu pourrais regretter car les événements de la vie se chargent de nous ouvrir les yeux, et de nous montrer que nos parents veulent notre bonheur, notre bien, alors que notre jeunesse en fleurs nous inviterait à les chercher ailleurs, dans une indépendance qui peut nous conduire aux déceptions de toutes sortes.
2- Désir d’indépendance
Tu as reçu une bonne éducation dans ta famille, consolidée à l’école, pendant de nombreuses années, où le respect de l’autorité était sacré.
Te voici maintenant dans un milieu tout à fait différent. C’est là que ton désir d’indépendance peut servir à une bonne cause: celle de te garder droite, respectueuse de toi-même et des autres, digne, sincère, malgré les exemples navrants qui s’étalent sous tes yeux.
3- Force de caractère
Il semble difficile d’être fidèle à Dieu quand tout semble crouler autour de soi, et que tu risques d’être emportée dans le tourbillon.
Cette situation doit t’inviter à mesurer ta force, car c’est dans les difficultés que se forgent les caractères, que s’affermissent les volontés. Mais tes efforts doivent s’appuyer d’abord sur une force supérieure: la confiance en Dieu — «que tu perçoives le sentiment de Sa Présence ou pas» — et le recours à Marie qui a promis assistance à tous ceux qui se consacrent à Elle.
Ton cheminement dans la vie intérieure t’a déjà fait découvrir bien des choses. Ce sentiment de la Présence de Dieu ou de Son absence prouve que tu es sensibilisée à la beauté de la vie spirituelle par cette Présence divine que tu as savourée, pour ensuite avoir le sentiment d’en être privée. C’est un cheminement normal dans la vie de l’âme. Mais, pour avancer, il ne faut pas se laisser aller au relâchement en délaissant toute forme de prière, ou tout appel à poser des actes qui correspondent à la foi que l’on possède.
Ceux qui laissent tout tomber: prière, messe, etc., semblent, pour un moment, n’avoir pas de soucis, être libérés des exigences parfois astreignantes d’un idéal entrevu, mais leur relâchement ne conduit pas au vrai bonheur auquel ils vont tendre davantage au fur et à mesure qu’ils le perdront.
4- Doutes
Il ne faudrait jamais t’inquiéter si un jour tu doutes de la vie spirituelle. Ces doutes, qui parsèment notre route parfois, vivifient l’âme s’ils ne sont pas le rejet systématique de la réalité de la vie intérieure. Ces doutes involontaires exigent de l’âme une plus grande capacité de traverser ces phases arides pour ensuite connaître l’oasis d’une joie intérieure profonde dans un amour renouvelé et purifié.
5- Religion personnelle
On ne peut jamais dire que la religion est notre affaire personnelle, pas plus que l’on peut avoir notre soleil personnel. Nul ne peut dire non plus «ma vie ne regarde que moi», car nos actions ne sont jamais dépourvues de répercussions spirituelles ou sociales. Regardons agir, sans la juger, une personne entraînée dans l’alcoolisme ou dans le relâchement sous une forme ou une autre, ne provoque-t-elle pas autour d’elle de nombreuses souffrances? Donc, nos actions peuvent favoriser, selon notre choix, la paix et la joie pour nous et les autres, ou devenir un poids pour d’autres et une cause de regrets pour nous.
6- Liberté… Indépendance
«Tu veux être libre de tes opinions, tu veux vivre ta vie à toi, être indépendante.» Tu prépares donc la chaîne qui va te rendre esclave de toi-même d’abord, et esclave de la situation que tu vas provoquer autour de toi.
Ce souci d’indépendance n’aura servi qu’à mieux t’emprisonner dans l’égoïsme de «ta vie à toi».
Où que tu sois, il y aura toujours des personnes autour de toi. Dès le départ, cela exige l’oubli de soi. Tu ne peux être indépendante des événements, des imprévus qui arrivent en tout temps. Il te faut composer avec les éléments de base, c’est-à-dire t’ouvrir à tout ce qui t’entoure, te faire accueillante car le vrai bonheur consiste à le propager.
7- Admiration pour ta mère
Je comprends si bien ta pensée: «Ce que maman me dit parfois me semble ridicule; en même temps, je l’admire.»
Ta maman te parle de beauté spirituelle, elle t’informe de sa joie intérieure malgré la souffrance qu’elle doit porter. Quel paradoxe qui semble d’autant plus aberrant que, tout autour de toi, tu vois s’étaler les exemples d’une vie qui semble facile sans référence à la vie spirituelle. Ainsi, les paroles de ta mère te semblent ridicules et, pourtant, tu l’admires avec raison.
Le Seigneur, dans Son enseignement, semblait ridicule aux gens de Son temps, quand Il disait: «Celui qui veut être le plus grand doit se faire le plus petit… Pardonne jusqu’à septante fois sept fois… Rends le bien pour le mal…» Et que dire des Béatitudes, etc ?…
Dans un siècle où plus que jamais l’occasion nous est fournie de pratiquer cet enseignement, tu comprends malgré tout l’attitude de ta maman et tu l’admires. Conserve-lui cette admiration qu’elle mérite, malgré les pensées contraires qui t’assaillent, car un jour tu remercieras Dieu de t’avoir donné une telle mère.
8- Peur de souffrir
Tu dis «avoir peur de souffrir, tu n’acceptes pas de souffrir, toi» et pourtant, tu souffres déjà. Ta lettre le prouve, chère enfant. Mais tu souffres davantage de la crainte de souffrir. Alors, tu fais une montagne avec des peurs, ou des troubles que tu n’auras peut-être jamais.
Fais confiance à la vie, elle a aussi ses bons aspects, ses douceurs, ses joies. Cette maman qui souffre, ne l’admires-tu pas à cause de sa fidélité et de son espérance, de sa joie et de sa confiance? Donc, la joie n’est pas incompatible avec la souffrance.
9- Pourquoi souffrir?
«Pourquoi faut-il souffrir pour atteindre Dieu?»… Ce n’est pas précisément la souffrance qui nous fait atteindre Dieu, c’est l’Amour, le véritable Amour. La souffrance peut provoquer un réveil et favoriser un retour vers Dieu. Dieu est Amour, Bonté, Sainteté.
De par notre baptême, sacrement de lumière, source de la grâce divine, l’âme est appelée à monter vers Dieu. «Vouloir atteindre Dieu», c ‘est déjà goûter sur cette terre une joie profonde en attendant la félicité éternelle.
Plus nous vivons en conformité avec les lois divines, plus nous connaissons la paix malgré les épreuves qui, un jour ou l’autre, nous atteignent avec plus de force. Plus une âme désire vivre près de Dieu et goûter aux secrètes douceurs qu’Il prodigue, plus elle doit consentir au dépouillement. Ce n’est pas la souffrance qui la rend heureuse, mais les bienfaits qu’apporte cette souffrance acceptée avec amour. Refuser celle-ci c’est éloigner la grâce bienfaisante et la lumière qui s’y rattache.
10- «Pourquoi ai-je la foi, moi?»
Tu as la foi parce que tu es née de parents catholiques, et que tu as été baptisée. C’est le plus bel héritage qu’un enfant puisse recevoir, parce que le baptême le rattache au Corps Mystique du Christ et lui offre Ses promesses. Puisses-tu conserver ce riche trésor et le faire fructifier afin «de grandir en âge et en sagesse devant Dieu». Ceux qui, volontairement, perdent ce trésor inestimable, regrettent amèrement, un jour, d’en être privés.
La fille de parents riches peut aussi s’interroger: «Pourquoi ai-je cet héritage, moi… quand d’autres compagnes sont si pauvres?» Si elle ne se soucie pas de faire fructifier ce trésor et qu’elle s’accorde tous les plaisirs, elle le regrettera amèrement le jour où elle aura tout perdu.
Quelle différence pourtant entre ce patrimoine terrestre qui ne profite pour l’Au-delà que s’il a servi à faire le bien, et cette richesse du dépôt de la foi qui, si nous l’utilisons pour faire le bien, nous fait héritiers de la Vie Éternelle.
11- La révolte
Ici, ton agressivité envers ta mère prouve que déjà tu te détournes de son enseignement. C’est qu’il y a conflit en toi. Les mêmes paroles prononcées par ta maman à ton frère ou à ta soeur, qui a passé ou n’a pas encore atteint l’âge de cette crise, seraient captées avec reconnaissance. Dans ta condition, ta révolte est normale, mais il te faut contrôler en toi cette vive réaction qui pourrait te dérouter. Le sachant, il faut te faire prudente. Surtout, ne peine pas ta mère qui t’aime à tel point qu’elle voudrait t’épargner toutes les déceptions qui atteignent ceux et celles qui veulent vivre leur vie dans l’indépendance, selon leurs pensées personnelles.
12- «La réponse»
La lumière que tu as reçue est bonne. «Souffrir pour Dieu, c’est aimer, c’est de cette façon qu’on prépare son ciel.»
13- Le Dieu Tout-Puissant
Dieu a montré Sa Toute-Puissance à l’homme par Sa Création merveilleuse. Il nous a montré jusqu’où peut aller Son Amour en nous donnant Son Fils Unique qui est venu donner un sens à la souffrance, une puissance rédemptrice.
C’est l’homme qui, dans son orgueil, provoque le mal par la haine et les guerres. Dieu a tracé un plan d’amour pour chaque être humain. Si ce plan d’amour n’était pas brisé par la folie des hommes, ce serait beaucoup plus agréable de vivre sur cette terre.
Mais le mal existe à côté du bien. La liberté laissée à l’homme sert souvent à le perdre. Dieu ne nous doit rien, mais Il nous offre beaucoup. Il suffit que l’on accepte Ses conditions, Ses lois. Il est bien normal qu’Il agisse ainsi afin de récompenser ceux qui sauront Lui prouver leur amour. Si Dieu nous donnait tout sur terre sans rien exiger, nous deviendrions de terribles égoïstes comme le sont certains enfants à qui les parents concèdent tout.
Ce n’est pas Dieu qui veut le mal, et ce n’est pas le mal qui nous force à L’aimer. C’est avec notre intelligence que nous comprenons la bonté de Dieu, et c’est avec notre coeur que nous pouvons L’aimer.
Donc, la vie n’est pas injuste, car si nous savons profiter de tout ce qui s’offre à nous, que ce soit agréable ou pas, pour mériter, nous goûtons à des joies de l’âme qui surpassent tous les bonheurs que la terre peut offrir.
Dieu n’est pas la cause de nos souffrances, mais Il nous invite à nous dépasser comme nous l’a enseigné Son Fils. Pourquoi nous épargnerait-Il, nous, alors qu’Il a sacrifié Son Fils unique pour notre bonheur éternel?
14- Autre religion
Je comprends ta pensée sur la comparaison faite entre deux familles de religions différentes. Ce n’est pas la religion qui est le baromètre de la vie facile ou des difficultés dans ces familles. La joie et l’épreuve sont le lot de tous les êtres humains. S’il est des années faciles à vivre, il en est d’autres qui exigent du courage et de la ténacité.
On ne peut juger d’une vie en prélevant quelques années de bonheur chez l’un et quelques années d’épreuves chez l’autre. Ne va pas croire surtout que l’épreuve n’atteint que les familles catholiques! Toutefois, avec le Christ et Son enseignement, nous connaissons une sécurité, un moyen d’ascèse qui nous permettent d’atteindre des sommets d’amour. Ce qui compte, c’est de tirer le meilleur parti de tout ce qui se présente à nous, comme l’a fait la petite Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui n’a pas cherché à transformer sa communauté pour obtenir une vie facile, mais qui a cherché à se transformer, à se perfectionner elle-même au contact parfois difficile de ses soeurs au sein d’une communauté pauvre.
Atteinte de tuberculose, elle continue sa vie intime avec le Seigneur qu’elle aime jusqu’à mourir d’amour. N’est-ce pas beau? Elle s’est sanctifiée dans les petites choses de chaque jour.
Elle a fait «d’une façon extraordinaire toutes les choses ordinaires de la vie», parce qu’elle aimait. C’est l’amour vrai, l’amour-don qui transforme la vie.
15- Phénomènes de la nature
Ces catastrophes dont tu parles sont des phénomènes de la nature. Il ne faut pas rattacher l’idée du châtiment à toutes les calamités qui se présentent et qui anéantissent des villes où vivent des gens de toutes conditions. L’épreuve n’est pas nécessairement un châtiment.
S’il fallait demander à Dieu de supprimer ces désastres, il faudrait aussi Le supplier de supprimer le soleil qui brûle le désert, de supprimer les éclairs qui parfois tuent les hommes, etc. Pourquoi ne pas demander à l’homme, alors, de cesser la fabrication des avions parce qu’il en est qui tombent, de cesser la construction des bateaux parce qu’il en est qui coulent, etc.
Pourquoi ne regardes-tu pas plutôt le beau soleil qui brille, la pluie qui fait pousser les plantes et éclore les fleurs, pourquoi ne t’arrêtes-tu pas à la joie de vivre dans la charité fraternelle qui existe toujours, crois-moi.
16- La responsabilité
Plus la femme devient «l’objet» de l’homme, plus elle est exposée aux viols ou aux assauts de tout genre. La jeune fille qui est violée ne porte pas la responsabilité de l’acte posé. S’il y a conception et qu’elle se soumet à l’avortement, c’est elle, cette fois, qui porte le poids de son consentement. Il n’est pas prouvé, d’abord, que l’enfant serait malheureux. Que d’enfants qui n’ont pas connu leurs parents ont vécu heureux dans des foyers qui les ont accueillis avec tant d’amour. «Cet enfant serait à nous et nous ne l’aimerions pas davantage», répétaient-ils dans une joie profonde. Et de ces enfants, mariés à leur tour, jaillit le même cri d’amour pour leurs parents.
17- Prouver sa foi
On doit aller à la messe parce qu’on aime Dieu. La messe et la communion sont une source de grâces par excellence. L’âme, comme le corps, doit s’alimenter pour vivre. Il est vrai que les plus pratiquants ne sont pas toujours les plus saints, bien que ce ne soit pas facile de se prononcer sur le sujet, mais ils prennent les moyens pour le devenir. L’assistance à la messe est aussi un témoignage de notre foi.
18- Les prêtres
Il est vrai que la confusion règne aujourd’hui dans l’enseignement religieux.
Notre jeunesse est très intelligente, très évoluée. Tu as raison de dire que tu ne peux comprendre «qu’une personne fasse un péché involontairement de nos jours».
19- Relations pré-maritales
Ceux qui font l’acte conjugal avant le mariage faussent le sens du véritable amour.
L’amour conjugal a été élevé à la dignité de sacrement. Les grâces qui s’y rattachent sont exceptionnelles et lient d’abord deux âmes, ensuite deux corps pour des fins procréatrices, dans une belle harmonie si les conjoints marchent dans la même voie.
L’homme est d’abord «esprit», c’est-à-dire qu’il doit se guider avec son intelligence, une saine raison et un jugement droit. Ce ne sont pas les instincts qui doivent l’entraîner; au contraire, il doit réprimer ses instincts qui le rendent semblable à la bête, pour garder sa dignité d’homme qui lui fait respecter les lois salutaires de Dieu.
On tente de sauver le mariage en faussant sa véritable grandeur qui est le respect de l’un envers l’autre, non seulement pendant la période des fréquentations, mais dans le mariage même.
Ce ne sont pas les mariages à l’essai, les relations pré-maritales, qui assurent la réussite du mariage, au contraire, ils marquent le début de difficultés sans nombre.
La fidélité à Dieu dans Ses lois, la fidélité réciproque du conjoint, malgré les efforts que cela suppose, sont les critères d’une vie heureuse. S’il y a respect réciproque pendant les fréquentations, la fidélité au conjoint sera mieux observée dans la vie conjugale.
La réussite dans le mariage dépend des principes de base que la morale chrétienne énonce clairement. Si tout va bien au niveau de l’esprit, si deux âmes empruntent la même voie, se soutiennent dans l’épreuve, se renoncent si nécessaire, l’amour vrai qui commence au niveau du coeur s’épanouit en toute facilité dans l’amour charnel voulu par Dieu dans le mariage.
Renverser ces valeurs c’est d’avance faire échec à l’amour vrai et se vouer aux problèmes de toutes sortes. Tu vois donc, ma fille, que «donner du plaisir à l’autre dans l’union libre» c’est préparer plus facilement encore une séparation ou un divorce.
C’est d’abord l’intelligence qui favorise la connaissance de l’autre, c’est le coeur qui permet le don, l’amour vrai. C’est l’amour vrai qui exige parfois le renoncement à l’amour charnel pour garder le plein épanouissement de la dignité humaine.
20- Sincérité
Garde ta belle sincérité. Tu as bien fait d’écrire ainsi tes pensées, de raconter ce bouleversement dans ta vie, de chercher la lumière. Continue ainsi afin de sauvegarder ton équilibre psychologique, spirituel et affectif, rudement secoué par les enseignements contradictoires.
Rappelle-toi que si tu veux vivre avec Dieu, il te faut choisir la voie montante qui exige des efforts, tandis que le relâchement entraîne dans une descente vertigineuse vers des plaisirs éphémères qui rongent et déçoivent. Dénouement parfois tragique si différent de celui qui favorise des joies pures, comblantes, épanouissantes et durables.
21- Courage
Tu es jeune. Il est bien sûr que tu ne peux mettre en pratique tous les éléments que comportent les Béatitudes. C’est un idéal à atteindre, on ne parvient pas à la perfection dès le départ. Il te faut progresser lentement. Aussi, ne te juge pas trop sévèrement car ton courage va flancher. Dieu est si bon! Il cueille le moindre effort que tu fais, effort d’autant plus méritoire que tu as peur de souffrir.
Dieu est Amour, tu le sais. Prends chaque minute qui passe pour la vivre dans l’amour vrai et tu seras surprise du résultat. Ne projette pas trop ta pensée sur ce que sera demain, car Dieu donne la grâce pour le moment qui passe. Petit à petit, tu vas comprendre davantage, approfondir et apprendre à t’abandonner pour vivre dans la paix, la détente et une confiance indéfectible en Lui.
22- Haine ou amour
«Tu crois détester ton père, tu le préférerais mort.» Cette seule phrase dit tout… je comprends donc ta souffrance et celle de ta mère.
Réfléchis un moment. Si l’on soumettait ton père à la torture, resterais-tu indifférente malgré les sentiments que tu dis avoir pour lui?… Je suis sûre que tu pleurerais, que tu ne pourrais supporter de le voir souffrir. Donc, c’est que ton sentiment filial n’est pas de la haine, mais plutôt une réaction vive, spontanée, que tu ressens à cause de la vie qu’il fait ou encore de la souffrance qu’il provoque au foyer.
Remarque ceci, mon enfant: quelle que soit la vie de ton père, tu dois l’excuser. Nourrir des sentiments de révolte et de haine envers lui ne ferait qu’aviver ta souffrance. Que ta bonté envers lui soit ton arme de défense, comme ce fut celle du Christ en toutes circonstances. Et tu en arriveras à aimer ceux qui te font souffrir. Aimer, c’est vivre. Haïr, c’est mourir, car il ne reste plus rien de beau, en cette vie, à ceux qui détestent.
Choisis d’aimer, car l’amour c’est le baume qui panse toutes les blessures. Aimer, c’est donner à la vie un cachet de beauté, de fraîcheur, d’espoir, de reflets de paix, de confiance renouvelée. Aimer, c’est connaître le bonheur en le donnant aux autres. Telle est la voie, le bon chemin que tu dois suivre.
23- Don de la présence de Dieu
«Tu as l’impression de dépérir, de n’être pas entendue du Seigneur pendant tes prières», parce que tu mets trop l’accent sur le sentiment de Sa Présence. Songe surtout que la prière est une offrande qui relie l’âme à Dieu. Certains jours, tout est aride, et la prière exige des efforts. En d’autres moments, l’élan vers Dieu devient facile, doux et suave. C’est la voie normale. Ainsi en est-il de la pluie et du soleil si nécessaires à la terre. Quand la prière est aride, c’est toi qui offres à Dieu; quand elle est facile, tu reçois. Or, si tu veux vraiment aimer, il te faut surtout accepter de donner, mais sache que Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité.
24- Une prière
Je remarque que ta prière, chère enfant, te rappelle sans cesse les croix, les peines, les tentations, l’exil, etc.
Dieu est notre refuge; Il veut notre bonheur en nous invitant à la confiance. Blottis-toi dans Sa main comme ce petit oiseau qu’Il protège, et aime-Le, invoque-Le en contemplant tout ce qu’Il a fait pour nous. Ce sera une prière confiante de tous les instants et ta vie va se transformer pour s’épanouir.
Conclusion
Tu n’as que 14 ans et tu as lu beaucoup. C’est à ton honneur. N’hésite pas à suivre l’enseignement de l’Église, de Vatican II. En ce moment, les enfants de l’Église se révoltent contre tout enseignement donné pour leur bien. Mais la crise va passer. Partant de ce conflit psychologique qui t’oppose momentanément à ta mère que tu admires, tu vas mieux comprendre la crise universelle qui sévit actuellement contre l’Église dont la Sagesse séculaire, heureux fruit de l’Esprit Saint qui la dirige, suscite quand même l’admiration qui se décuplera bientôt quand l’ère de folie, de contestations aura fait assez de ravages et causé assez de souffrances pour calmer les esprits survoltés. L’enseignement de l’Église sera le même et ses enfants reviendront au bercail, heureux d’être accueillis par une vraie mère qui sait pardonner parce que toujours elle enseigne l’amour.
* * *
Cette étudiante de 14 ans nous faisait parvenir cette lettre le 4 février 1975.
Étant donné qu’elle ne devait recevoir les réponses aux multiples questions qu’en ce numéro de juin, et qu’elle avait eu l’heureuse idée de donner son nom et son adresse, elle reçut aussitôt encouragement et réconfort.
Voici la lettre du 24 février qui suivit cette première:
J’ai été très heureuse de recevoir votre réponse, tellement que j’en pleurais.
À chaque fois que je la relis, je pleure de joie surtout quand vous me dites «que j’ai encore un peu d’amour pour mon père».
Croyez-vous que je peux faire circuler cette lettre dans mon école, en gardant, bien sûr, l’anonymat. Je suis sûre que cette lettre aiderait plusieurs personnes (professeurs et élèves). Peut-être aussi que ça me ferait beaucoup de tort? Qu’en pensez-vous?
«Il faut être enfant pour aller au Ciel!…»
X…, 14 ans
Mais oui, tu aimes ton père, ma petite. Continue de l’aimer malgré ses erreurs. Il ne nous appartient pas de juger. Tu seras heureuse, lorsque ce papa reprendra la bonne voie, d’être restée attentive et respectueuse envers lui. Ce qui compte c’est que tout se replace un jour. Alors tes larmes de joie couleront encore…
Ceux qui ont une vie facile, ceux qui ne connaissent pas la douleur que tu ressens parfois à cause de ton père, ne connaîtront pas non plus les joies si pures du renouveau, du retour vers Dieu.
Va, ma fille, vers Dieu qui t’appelle. Sois bonne, tu ne regretteras jamais d’avoir été bonne.
Je t’enverrai des revues que tu pourras distribuer discrètement ici et là. Fais le bien en silence et laisse à Dieu le soin de faire lever la semence.
Courage et confiance toujours. Sois heureuse!
Marie-Paule
(Revue de l’Armée de Marie, volume IV, numéro 9)